Si vous saviez tous vos talents pour engendrer petits et grands bonheurs !
Si vous aviez vu, dans la pénombre surchauffée de la vieille classe aux murs de terre sèche tandis que les enfants de Koutanongou jouaient dehors, les sourires un peu timides des trois femmes assises ensemble sur un pupitre, les regards entendus des hommes serrés au fond de la pièce, lorsque la petite assemblée de Blancs et de Noirs, de Noirs et de Blancs, qu’importe, a décidé que la pompe du forage serait réparée. Si vous aviez entendu les applaudissements spontanés des femmes et les causeries des hommes lorsque la même assemblée a validé la construction d’une école, une vraie. Si vous aviez serré ses mains rêches dans vos mains, ces corps secs dans vos bras, dans un mélange âcre d’odeurs de sueurs, de poussières d’harmattan et de vêtements usés, graisseux, troués et patinés, avant de partager la pâte de maïs et la sauce piment.
Si vous aviez regardé les yeux des enfants, pétillants comme des billes ou des étoiles dans la moiteur de la paillotte dont les palissades contredisent bien le soleil, lorsque le maître Victorin a dit que, bientôt, d’autres Blancs viendront, dans quelques semaines, et qu’ils apporteront avec eux de nouveaux ballons et des habits.
Si vous saviez le bonheur du Vieux qui est en photo sur la couverture du livre Koutammarikou et dont vous avez peut-être, tous, sauvé la vie. Car lorsque nous sommes arrivés devant son tata pour offrir, à sa femme et à lui, quelques habits, nous avons vu qu’il vacillait sur ses jambes frêles et que l’arrière de sa tête était orné d’un gros abcès purulent, plus gros qu’un œuf de poule, suintant une suppuration jaune et gluante. Alors en urgence nous sommes allés chercher un infirmier à la ville. Il a cassé l’œuf et l’a vidé de son humeur, l’a désinfecté. Et depuis il a été décidé que la science retournerait voir le Vieux tous les trois jours, et depuis la plaie monstrueuse se referme lentement, et depuis le Vieux sourit.
Maintenant vous savez.
Mado, Marie, Xavier, Patrick et Philippe